Voici maintenant plus d’un mois que notre petit Salto est devenu grand. Il a d’abord été sevré, puis placé dans un groupe de congénères. Il est ensuite parti travailler. Les moutons de l’élevage de Ouessant-d-ailleurs sont les petites tondeuses d’écoparcelle. Cela implique qu’il faut gagner sa pitance en la broutant vaillamment afin d’entretenir les terrains qui nous sont confiés. Cette saison, chaque mouton a compté. Nos quelques 80 moutons ont eu du mal à pallier à l’entretien des contrats en route. Au point que petit Salto a du être placé, malgré les difficultés liées à sa gestion. Mais il a eu la chance de trouver une place unique, taillée sur mesure pour sa personnalité et ses besoins. Pour sa bergère, il a rencontré son destin. C’est un sevrage réussi.
Sevrer, facile à dire quand on aime…
Sevrer Salto n’a pas été chose aisée. Sans doute les brebis se disent-elles la même chose. Les mères suitées sont bien souvent encore harcelées par leur gros bébé de plus de quatre mois. Pliés sous les pis, ces agneaux sont prêts à toutes les contorsions pour voler encore quelques gorgées de lait maternel.
C’est qu’il était déterminé Salto à continuer les biberons. Sur un laps de temps de deux à trois semaines, nous étions assez facilement passé de trois séries journalières de quatre à cinq mini-biberons à une seule série, généralement vers midi. Toutefois, il semblait que cet appoint lui était nécessaire. Bien que largement en surpoids comparé aux agneaux de son âge, il semblait si heureux d’être biberonné qu’il était difficile de trouver le courage de le sevrer complètement.
Bien sûr, en cours de sevrage Salto n’a pas oublié de présenter une petite complication médicale. Il a développé de ce qui a semblé être un abcès à la commissure gauche des lèvres. Une petite boule d’environ 1 centimètre de diamètre (tout de même!). Dure, sanguinolente, légèrement purulente et un peu croûteuse. Après passage chez le vétérinaire pour un conseil sans auscultation, il aurait pu s’agir également d’une sorte d’eczéma. Une irritation due au biberon? Une désinfection régulière et l’application locale d’une crème favorisant la régénération de la peau ont eu raison de cet « abcès » en deux semaines environ.
Sevrer, une action tant sur le plan physiologique que comportemental
Malgré tout, le temps pressant pour des raisons d’organisation personnelle, Salto finit par rejoindre en juillet un petit troupeau de dix à quinze individus selon les fluctuations liées au travail. La parcelle étant peu éloignée, les passages quotidiens restaient possibles afin de surveiller son intégration et de lui apporter son lait.
Son comportement était rassurant. Il prouvait davantage de capacités à adhérer au groupe que dans ses premières semaines de vie. Même s’il était toujours un peu à l’écart des autres moutons, il suivait quand même les mouvements de la troupe. On ne le trouvait plus seul à faire les cent pas devant le portail de la parcelle !
Attention: agneau en cours de sevrage…
Il ne réclamait plus non plus l’attention des promeneurs qui venaient à passer par là. Il y avait moins à craindre qu’une « bonne âme » ne parte avec lui sous prétexte qu’il était là tout seul, livré à lui même, le pauvre chou ! Ces réflexions étaient déjà venues à une dame m’ayant informé du comportement de Salto en mon absence et de sa propre hésitation à le récupérer en passant les clôtures pourtant bien hautes et bien fermées. Il y avait donc fort à craindre que quelqu’un n’intervienne à tort.
J’avais par ailleurs été déjà bien échaudée par deux vols d’agneaux en 2016 et trois vols supplémentaires ce printemps même. Bien qu’ayant eu lieu sur une autre parcelle, cela pouvait se reproduire, même motivé par de meilleures intentions (les vols précédents ayant sans doute eus une fin sordide).
Mais Salto a su rester dans le troupeau. Au fil des jours, les passages se sont raréfiés et ses rasades de lait également Le voilà donc sevré et autonome, au grand soulagement de sa bergère.
Aie! Le jus!
Une autre étape essentielle à sa survie fut l’apprentissage des clôtures électriques et des dangers qu’elles recèlent. En effet, point de vie de mouton sans expérimenter le flexinet. Mais Salto ayant été logé depuis sa naissance avec un groupe de cochons d’Inde sur un terrain clôturé par un flexinet non électrifié, il lui fallut quelques leçons aussi désagréables que soudaines pour réaliser que ce filet orange pouvait être source de désagréments suffisants pour s’en tenir à distance.
Cet apprentissage fait, notre agneau sevré était donc potentiellement capable de participer aux tâches d’entretien du paysage comme tout membre du troupeau. Ceci était tout particulièrement important en cette saison 2018. En effet, la main d’œuvre manquait cruellement à la fin du printemps.
Par obligation, intégrer Salto à la gestion du troupeau
La saison ayant démarré sur la base des contrats en cours de l’an passé, je m’étais permise de vendre quelques moutons à des particuliers. Puis les trois vols mentionnés précédemment vinrent s’ajouter à la mort de trois agneaux parmi les 36 qui sont nés ce printemps. Un avortement presqu’à terme d’une brebis de deux ans qui n’a encore pas réussi à faire son premier agneau. Un mort-né chez une primipare. Et un petit trop faible, pourtant né d’une brebis expérimentée, qui ne passa pas sa première journée malgré l’intervention du vétérinaire.
Le printemps 2018 fut étonnamment riche de nouveaux contrats. Notamment auprès de particuliers qui adoptèrent pour la saison deux à trois moutons pour l’entretien de leurs terrains privés. Au final, presque le tiers du troupeau fut engagé de manière non planifiée à l’hivernage 2017.
Ainsi, sur la base des 42 brebis du troupeau d’Ouessant-d-ailleurs au printemps, quelques naissances supplémentaires auraient été les bienvenues. Mais six brebis et donc six agneaux manquent résolument à l’appel de 2018 ! La bergère a donc du gérer au plus serré chaque membre de son troupeau et Salto n’a pas manqué de contribuer à l’effort collectif.
Un costard sur mesure
Et voilà qu’une association nous contacte pour un petit troupeau de quatre moutons destiné à pâturer mais aussi à intervenir auprès de groupes d’enfants venus en camps de vacances. Salto, si familier et si affectueux, pouvait y faire du bon travail.
Capable de brouter au sein d’un groupe de congénères, il l’avait prouvé. Quant à sa capacité à câliner et à se laisser cajoler, il l’avait plus que prouvée ! Après moult tergiversations affectives de sa bergère, évaluations des risques liés aux clôtures, etc., il fut choisi avec trois copains pour la joie qu’il pourrait procurer aux enfants.
Effectivement, il a beaucoup de cordes à son arc. Il vient spontanément vers l’humain qu’il suit volontiers sur le terrain. Il adore les chiens ! Salto a d’ailleurs du longtemps s’imaginer en chien.
Il apprécie de se promener en laisse et en liberté avec un groupe hommes-chiens. La bergère l’a ainsi baladé à de multiples reprises en famille, avec chiens et enfants.
Et cerise sur le gâteau: il ne refuse pas une petite régression avec quelques biberons plaisirs pour la plus grande joie des enfants. Aux dernières nouvelles, il est la mascotte, figurant au rang des meilleurs moments des enfants lors de leur séjour chez AtheMae – Cabot’ins, association de notre région www.cabotins.ch & http://www.athemae.ch, oeuvrant, je les cite : « à promouvoir des activités ludo-éducatives et thérapeutiques visant l’épanouissement basées sur les principes de la médiation par les animaux et l’éveil à La Nature, dans le respect des besoins et de l’individualité de chacun. »
Le retour du guerrier…
Cette saison de pâturage étant déjà bien avancée, l’organisation de l’hivernage 2018 se profile. Et avec lui, le retour de Salto et la joie de le retrouver grandi, bien bâti espérons le et toujours aussi proche de nous. Bien sûr, les autres aussi sont attendus avec bonheur et une pointe d’excitation, surtout les jeunes béliers de 2017 qui auront bien changé n’en doutons pas.