L’impensable attaque éclair de vers parasites

L’impensable s’est produit mardi 11 septembre dernier au matin. Je reçois l’appel d’un client qui détient en location un groupe de sept agneaux : parmi eux, le tout petit MiniMi peine à se lever. Qui plus est, il est couvert de vers ! Pourtant, la veille, il courait encore au sein du groupe et ne semblait en rien différent de ses congénères. Ce matin, il ne sort plus de l’abri et, dans sa laine, des tas et des tas de vers… Je modifie l’agenda de ma journée et je viens le récupérer en urgence.

Pas encore mort, mais quelle horreur!

Sur place, le constat est à la fois rassurant et alarmant.  Rassurant d’un point de vue vitalité de l’agneau qui est encore capable de se lever et de marcher quelques pas, voire de résister aux manipulations que je lui inflige. Alarmant car la quantité de vers, qui se révèlent être des d’asticots, est considérable. L’aspect de MiniMi est cauchemardesque ! Cette vision de centaines d’asticots enfouis dans sa laine et sous sa peau est tellement repoussante que je n’ai pas le cœur de prendre de photos pour cet article.  Il se fait dévorer vivant. Le débarrasser de ses prédateurs ne souffre aucun délai.

Le difficile nettoyage

Je prends sur moi et j’empoigne MiniMi. Commence alors le long travail de nettoyage qui durera plus d’une heure. Je douche ce pauvre agneau au jet d’eau afin d’éliminer les asticots de surface. Mais des centaines d’asticots grouillent dans sa laine et sont, de ce fait, difficilement accessibles. Il faut donc couper la laine, ce que j’entreprends petit à petit . Je coupe, je lave.

Malheureusement, je blesse MiniMi en trois endroits. Je le coupe sur le côté gauche de l’abdomen et aussi en deux places sur la cuisse droite. Sa peau est très fine, il s’avère incroyablement maigre sous la laine. Il est donc très difficile d’identifier avec certitude la limite laine – peau. Je remplace alors par l’épilation la coupe de la laine que j’avais entreprise au moyen de mes petits sécateurs multi-usages. Il s’avère que, dans son état, sa laine s’arrache  facilement. Elle part par plaques en de nombreux endroits.

Les vers ont déjà creusé de profondes galeries dans son dos

Au fur et à mesure  de ce travail lent et pénible, de nouveaux nids d’asticots sont découverts. Il y a les asticots qui rampent sur et dans sa laine, mais aussi tous ceux qui ont pénétré sa peau et ont créé des galeries dans son corps, voire des trous immenses (de 2 cm de diamètres) dans la zone para-vertébrale. Les atteintes à son corps que ces parasites externes ont commises en quelques heures seulement sont saisissantes. Pendant que je travaille, je peine à croire que cet agneau – petit parmi les petits – va survivre à cela.

L’épilation de la laine associée au jet d’eau permet d’enlever le plus gros des asticots. Mais la douche a ses limites. Elle ne permet pas d’évacuer les groupes d’asticots enfouis dans les galeries sous la peau. Pour cela, il me faut éliminer un à un les parasites au moyen d’un brin de paille. Déjà bien écoeurée par l’ensemble du travail,  je cure timidement ses plaies au départ. Je pense à la douleur que ce curetage doit provoquer dans ses chairs mangées par les vers. Mais MiniMi ne réagit pas. Il semble avoir perdu la sensibilité au niveau des zones para- vertébrales profondément meurtries.

Les asticots ont essentiellement attaqué le dos et les cuisses. Mais en retournant MiniMi, je découvre aussi autour des testicules une zone envahie d’asticots. Heureusement, ils grouillent seulement en surface. Toutefois, de là ils ont déjà pénétré le rectum par l’anus. Seule une partie d’entre eux est accessible pour expulsion ! Je fais le maximum. Enfin, ce qu’il est possible de faire seule en pareil cas et sans chimie touche à sa fin.  

La visite vétérinaire, un fameux coup de pouce!

Je le charge, presque propre. Quelques asticots continuent de sortir d’on ne sait où et s’éparpillent esseulés sur sa peau ou dans sa laine encore présente sur l’avant-main. Je l’amène en urgence chez le vétérinaire.  Il est presque midi.

A 15 heures, enfin des nouvelles. A ma grande joie, MiniMi tient le coup. Le vétérinaire et ses assistantes ont achevé le travail de nettoyage. Mon agneau est maintenant tondu intégralement. Plusieurs injections (anti-inflammatoire, analgésique, antibiotique et vermifuge) ont renforcé l’action manuelle du nettoyage. Ces piqûres ont permis à MiniMi de passer le cap.

Il est prêt pour son retour. Je le récupère vers 17h avec une série d’injections sous-cutanées et intra-musculaires à lui faire sur quelques jours. Une pommade à base de miel devrait aussi favoriser la régénération de la peau.

La suite c’est surtout gérer la température corporelle de MiniMi

Dès son arrivée au jardin, seul endroit où je pourrai facilement le surveiller au quotidien, il est évident qu’il a froid. Tremblements et postures typiques (dos voûté – postérieurs sous lui) ne laissent pas de place au doute.

Nous l’installons dans un varikennel improvisé en abri où nous espérons qu’il pourra se réchauffer. Toutefois, le lendemain, MiniMi a toujours froid. Il continue de grelotter. Nous le couvrons de vieux t-shirts d’enfants découpés pour raccourcir les bras et dégager l’abdomen afin qu’il puisse uriner sans se salir.

Au fil de l’évolution journalière de la température, il faut constamment adapter l’habillement de MiniMi. Typiquement en cette saison, les nuits et les matinées sont bien fraîches tandis que les après-midi ensoleillées sont chaudes voire très chaudes ! Effectivement, le lendemain de son retour, je commets l’erreur de ne pas tenir compte du réchauffement de la température au fil des heures. 

Le contre-coup du lendemain

Pour sa première matinée au jardin, MiniMi paraît nettement moins en forme que la veille. Il est beaucoup plus apathique. De surcroît il est totalement constipé. Il adopte la position nécessaire à l’évacuation des selles, dos rond, queue relevée, et s’arc-boute pour pousser les selles. Rien ne sort, malgré ses multiples tentatives.

Je finis par intervenir et vidange manuellement le rectum. Grâce a quelques pressions externes autour de l’anus, l’essentiel des selles sèches, brunes noirâtres et trop grosses pour son anus est expulsé. MiniMi réussit à prendre le relais en sortant lui-même la suite : des selles beaucoup plus normales, vertes et molles.

 

Le vétérinaire que j’ai pu joindre m’informe que sa baisse de forme est sans doute tout à fait normale. Elle est du au contrecoup de la journée précédente. La veille, une importante décharge d’adrénaline lui a sans doute permis de tenir le coup. Aujourd’hui et les jours suivants, il a besoin de se reposer pour récupérer.

Il me conseille également de prendre la température pour surveiller l’éventuelle apparition d’une infection. Cette mesure me permet de réaliser que MiniMi est légèrement en dehors de la norme située entre 38° – 39,5° pour les ovins. Il est à 39,7°… Je réalise alors qu’il a trop chaud. Je lui enlève deux épaisseurs. La température revient rapidement dans la fourchette normale.

Par contre, même par très beau temps, il n’est pas envisageable de laisser MiniMi sans habillement. Les mouches se ruent directement sur lui. Le premier jour de sa convalescence, ses plaies étaient à nouveaux envahies d’œufs de mouches, petits oeufs blancs qu’il a fallu enlever à l’aide de cure-dents tant leur adhérence aux plaies est forte.

Ainsi, malgré toute cette attention, le jeu des températures est difficile à gérer. Inévitablement, au bout de trois jours, MiniMi présente un écoulement nasal jaunâtre, signe qu’il a pris froid et qu’il subit une petite infection bactérienne.

Changement de manteau, beaucoup de style!

Nous jonglons ainsi les premiers jours. Au bout de quatre jours, je me plais à croire que MiniMi va survivre à cette épreuve. Je lui achète deux manteaux pour petits chiens : un pull pour la journée et un gros manteau pour la nuit et la saison froide à venir.

 

En effet, même si sa peau se régénère et reste fonctionnelle, la repousse de la laine ne sera pas suffisante pour assurer sa thermorégulation cet hiver. Nos températures d’hivernage à 1’000m d’altitude peuvent atteindre moins 10 degrès Celsius, voire même beaucoup moins.

Le gros manteau en matériau spécialement conçu pour garder la chaleur et revêtement imperméable trouvera tout son usage à ce moment là. Pour le moment, il est finalement bien trop chaud, même pour les nuits. Le pull suffit à ce stade.

La cicatrisation suit son cours…

MiniMi va donc rester au jardin le temps nécessaire à la cicatrisation des plaies.  En quelques jours, environ cinq, sa peau abîmée se dessèche, durcit et noircit. En quelques sortes, elle se momifie. Puis cette peau morte se craquèle sous l’effet du mouvement et laisse apparaître en dessous une jolie peau grise et souple.

 

Je découpe cette peau morte, décollée en certains endroits, le long des cuisses. Cela rend accessible certaines zones de peau encore suintantes et permet d’appliquer le spray à base de miel sur une peau vivante.

… et la prise de poids aussi

En dehors de la cicatrisation et de la régénération de la peau, un autre objectif à atteindre est la prise de poids. MiniMi ne peut pas continuer dans cet état de maigreur.

Pour encourager la prise de poids, je lui laisse du grain ad-libitum. Malheureusement, l’effet appétent de ce grain  est de courte durée. Au bout de quelques jours, MiniMi n’en mange plus ou très peu. Il semble davantage intéressé par le foin posé en litière dans ses abris.

Il aime à manger couché. Je l’observe souvent à ramasser les brins de foin posés devant lui alors qu’il est couché dans son panier sous le parasol de son enclos. Il en va de même le matin, lorsque je viens le chercher dans son varikennel utilisé pour la nuit (son aspect fermé me paraît mieux à même de conserver la chaleur). Il broute aussi un peu.

Les questionnements après l’affolement

Notre petit agneau est stressé par la solitude et passe une partie de son temps à arpenter les clôtures en bêlant. Heureusement pour le voisinage, même en campagne, MinMi a une toute petite voix. Une voix à la hauteur de son gabarit. De la compagnie serait sans doute conseillée, mais est-ce vraiment une bonne chose de soustraire un autre mouton à son groupe pour le placer avec MiniMi ?

Le phénomène de cette invasion d’asticots reste tout de même un mystère. Le vétérinaire, qui n’avait jamais vu un cas de cette envergure sur une bête mobile, avance un raisonnement sans grande conviction. Une probable coupure de la peau sous la laine aurait amené une infection bactérienne. Cette infection aurait ensuite généré un milieu propice à l’attaque des mouches. Et avec cette laine, il a été impossible à notre mouton de se défaire des asticots.

En apparence, pas de problème de contagiosité ni de parasitisme interne. Toutefois, j’hésite encore. Cet agneau provient d’un élevage extérieur au mien. Ayant appris récemment que tous les agneaux de l’année précédente étaient morts de parasitisme, le doute surgit. Y a-t-il une forme de parasitisme interne qui aurait diminué ses défenses immunitaires et permis aux mouches de se propager ainsi ? Son tout petit gabarit est-il vraiment génétique ? N’est-il pas plutôt une forme de rachitisme ? Il parait préférable d’attendre un peu. Et d’un point de vue logistique, au jardin, un agneau c’est aussi plus simple que deux.

Plus de confort pour moins de stress

En attendant, MiniMi s’est vu offrir au 11ème jour de sa convalescence, une superbe niche qui devrait combler ses besoins thermiques, tout en lui permettant de manger son foin couché et abrité (ce que je ressens comme un besoin chez lui pour une raison indéterminée) et en limitant les manipulations.

 

En effet, plus besoin de l’attraper deux fois par jour pour le déplacer de son enclos de jour à son abri de nuit. Un stress en moins, ce qui est sans doute un pas de plus vers la guérison.

Souhaitons lui bonne chance. La suite dans quelques semaines. Et en attendant, la guérison totale, quelques photos à deux semaines…

 

… trois semaines après…

 

… avec quelques copains de passage. Copains du même âge voire plus jeunes de quelques semaines. Vraiment petit parmi les petits notre MiniMi! 

 

… et lors de sa réintroduction dans un groupe après un mois de convalescence au jardin. Il a enlevé son pull, le temps lui est favorable. Sa berger le considère sauvé et s’en réjouit!! 🙂

 

 

 

 

 

 

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